L'armée des ombres
L’armée des ombres (1969) est l’un des films les plus froids, l’un des plus désillusionnés et l’un des plus lucides sur la résistance française.
Arrêté
pour pensées gaulliste, Gerbier (Lino Ventura) s’enfuit dans lors de son
transfert vers Paris pour son interrogatoire. Rejoignant son réseau de
résistant, commande par Luc Jardie (Paul Meurisse), il le réorganise avec
l’aide de son bras droit Félix. Mais l’arrestation de ce dernier mènera a sa
parte le groupe.
Le
film montre ici une résistance plus prompte à s’occuper de son propre réseau
qu’à bloquer l’ennemi. Deux scènes sont particulièrement significative ;
L’exécution du traitre, et la tentative de sauvetage de Félix. Gerbier et
Mathilde cherchent constamment à organiser plus qu’a attaquer : il est le
rouage derrière la guerre, une véritable armée d’ombres, non sur le terrain,
mais préparant les batailles, dirigeant les équipes. Ils n’ont pas de nom, et,
a leur mort, personne ne sera qu’ils ont existés, comme l’explique un officier
allemand à Jean-François.
Le
thème principal du film est, bien sur, le don de soi pour une cause, le
dévouement, les portées des décisions d’hommes ordinaires dans des situations
extraordinaires. Sans oublier le fatalisme, comme le montre la tragique scène
de clôture. Finalement, les réactions des hommes dans des circonstances exceptionelles.
Jean
Pierre Melville (Bob le flambeur, Le cercle rouge, Le samouraï), figure emblématique du début de la nouvelle vague, fut
lui-même un résistant. En réalisant ce film très personnel, il développe aussi
ses idées sur la nature de l’homme, sur l’individualisme (thème principale de
l’œuvre de Melville), et sur la cruelle beauté du sacrifice. Il est assisté par
une équipe hors pair, contenant le directeur de la photographie Pierre Lhomme
qui développe ici une magnifique gamme gris bleutée, et une composition
extraordinaire de Eric Demarsan, dont en retiendra le «20 octobre 1942 »,
collant à l’image et mettant en avant la fatalité. Le film doit aussi beaucoup
au style de Melville, dont les rapides mouvements de camera permettent de
mettre habilement des détails en avant, des expressions ou des sentiments.
Notes
Réalisation : 20/20
L’un des atouts du fil, lui apportant son atmosphère dure et
pesante. Réelle beauté des prises de vue et des mouvements de camera, réduits a
une simplicité caractéristique et recherchée.
Scénario : 19/20
L’histoire est prenante, les dialogues crédibles et bien agencés. La plupart des scènes sont tirées du livre sans aucun changement, et ont tendance à mieux passer à l'écran qu'à la lecture.
Jeu des acteurs : 18/20
Rien à redire sur les performances des acteurs principaux (dont
une excellente de Jean-Pierre Cassel). Certains acteurs apparaîssant moins à l'écran n'arrivent cependant pas à soutenir le niveau général.
Musique : 19/20
Le son s’adhère parfaitement à l’image, la souligne et la
renforce. On pense bien sur au thème de Gerbier mais aussi à la piste moins connue 20 octobre 1942 (et pour cette raison pratiquement introuvable, malheureusement).
Cinématographie : 20/20
La merveille du film. Une très belle déclinaison de couleur froide : c'est un film couleur en noir et blanc, c'est à dire où la couleur reste dans la même gamme dans une prise, retransmettant un atmosphère sombre et pessimiste., un
emploi de la lumière astucieuse. Une froideur qui reprend la morale du film. La restauration est aussi une réussite.
Montage : 16/20
Des moments très bien montés (la fuite de Gerbier, le champ de
tir, Londres et la scène finale). Bon en général, pas transcendant.
Appréciation générale : 20/20
Longtemps sous estimé et inconnu, le chef d’œuvre de Melville
est enfin remis à sa vraie place. A voir pour tous les cinéphiles et amateurs.